Médiations - Informations - Communication - Arts

Présentation de l’axe ICIN

Responsable Vincent Liquète et Annick Schott

L’Axe « Information, Connaissance et Innovation Numérique » du MICA a pour objet l’étude des systèmes informatisés d’information et de communication.

Les chercheurs y développent leurs travaux sur les écosystèmes numériques et les mutations sociales, le design de dispositifs informationnels et les stratégies d’acteurs, les méthodes et outils d’analyses de l’usage des systèmes numériques, la médiation et la médiatisation des connaissances.

L’équipe s’est attachée à promouvoir et à animer des réseaux à la fois de réflexion épistémologique sur les TIC et de recherche sur les enjeux et les usages intelligents des technologies numériques. Le champ d’intervention de l’axe, qui touche aussi à la littératie informationnelle des jeunes, des séniors et des acteurs de l’Économie pour l’accompagnement de la transition numérique, participe du positionnement social du laboratoire.

Mots clés

TIC – TICE, écosystèmes numériques, connaissance, accompagnement, transition numérique, observatoire

Membres

Projet scientifique de l’axe ICIN (laboratoire MICA EA 4426)

pour la période 2021 / 2024

L’évaluation des systèmes d’information et de communication, l’exploration des dispositifs innovants de production, de traitement et de médiation de l’information, les dynamiques de changement induits par les technologies numériques, les pratiques et nouveaux usages qu’ils génèrent dans les sociétés, les modifications plus ou moins rapides des représentations collectives, sont les principaux centres d’intérêt des chercheurs de l’Axe « Information, Connaissance et Innovation Numérique« .

Pour comprendre les mécanismes, explorer les pratiques et contribuer à l’aide à la décision publique ainsi qu’aux choix stratégiques des organisations en matière de numérique, l’étude des enjeux et des usages des technologies de l’Information et de la Communication qu’ils proposent à travers les recherches développées dans l’Axe, s’oriente, dans une triple perspective épistémologique, pragmatique et méthodologique. Cette démarche scientifique les incite à chercher à opérer systématiquement deux approches croisées : celle de la conception et du design des systèmes d’information et de communication numériques et celle de la mutation des pratiques et des processus d’innovation sociale par les technologies, en combinant des méthodes permettant également de mesurer les impacts et des itérations autour des processus d’innovation.

Ces approches qui convoquent les notions de complexité et d’innovation au cœur d’enjeux sociaux économiques, culturels et éducatifs, déterminent une ligne de recherche structurante qui, par ses spécificités, contribue pleinement à l’orientation générale du MICA.

Cinq thèmes contribuent à cette structuration :

  1. – La Conception, l’édition et la diffusion de documents numériques

La dématérialisation des supports, la  délinéarisation des discours, l’industrialisation de la production documentaire générées par le développement des TIC ont entraîné un profond changement des modèles éditoriaux et de circulation des connaissances. Ce champ de recherche aborde la question des mutations des stratégies de publication, de diffusion et d’usages, aussi bien dans l’approche de l’Information scientifique et technique et des industries de la connaissance que dans le contexte élargi du web, dans sa dimension d’espace éditorial et culturel complexe. Considérée dans une perspective communicationnelle, la production documentaire en contexte numérique peut être analysée non seulement du point de vue des dispositifs techniques et des cadres institutionnels et normatifs, mais aussi dans une approche anthropologique et sociale qui renvoie aux représentations, aux imaginaires, aux interactions sociales en jeu. Les théories de l’activité et les approches dynamiques par les transactions coopératives permettent d’aborder les régimes de « documentalité » dans leur diversité. La caractérisation des documents numériques par leur ouverture et leur plasticité (D. Cotte) incite à les considérer comme des espaces de négociation et de stabilisation des connaissances, dans une perspective qui intègre les dimensions organisationnelles (la production et la transformation de données, les systèmes d’information, les outils d’analyse et d’évaluation), communicationnelles (les stratégies politiques, économiques et sociales, les médiations documentaires proposées, les procédures de patrimonialisation, etc.).

  1.  L’ingénierie pédagogique et la littératie du numérique

La compréhension de l’écart entre les dispositifs prescrits par les concepteurs et leur utilisation dans différents contextes est abordée dans une perspective cognitive, sociale, économique et culturelle.

Les chercheurs de l’axe ICIN, à travers des directions complémentaires de recherche, engagent leurs réflexions et leurs travaux dans des questionnements sur les processus d’appropriation des dispositifs et des ingénieries numériques de formation et d’éducation, sur les composantes de l’accessibilité au savoir et l’appropriation des connaissances via des dispositifs numériques, sur les méthodes de conception et d’observation des dispositifs d’apprentissage en ligne. Au-delà, les modes d’influence et de transférabilité entre les littératies informationnelles et numériques sont considérés au sein de certaines recherches d’ICIN.

La question de la protention en situation de formation à distance est également interrogée : le lien entre les deux est envisagé dans l’identification des capacités des acteurs à anticiper. Dans le cas de la formation à distance, l’apprenant doit être considéré selon ses besoins (éventuellement ses désirs) pour mener à bien sa formation. Ces besoins peuvent être liés à l’environnement d’apprentissage (relations humaines, dimension informationnelle, organisationnelle, etc.) et l’établissement de formation auquel il appartient (liens avec les enseignants, les autres étudiants, le travail à faire, la clarté des attendus, etc.). On analyse notamment la prise de conscience des ressources nécessaires pour réussir, qu’elles soient à sa disposition ou qu’elles doivent être « trouvées » ailleurs (le « retrouvage » de l’information).

La dimension temporelle est également considérée car l’individu en situation d’apprentissage (en mode distanciel) se trouve être en prise avec ses intentions et sa situation initiales (de l’ordre du passé), son vécu (de l’ordre du présent) et sa projection dans l’avenir (futur). Les dispositifs hybrides redistribuent également les espaces-temps d’apprentissages rendant les modes d’organisation pour apprendre plus complexes. Les ressources jugées, par un apprenant, nécessaires à sa réussite sont organisées d’une certaine manière et éventuellement réorganisées en fonction de ses besoins dans le présent et de son anticipation dans l’avenir. L’établissement de formation, entre autres, peut apporter un éclairage sur les éléments futurs, ou au contraire rendre difficile une vision claire des besoins pour un apprenant, si les attendus ne sont pas explicités.

Des chercheurs de l’axe ont déjà constaté que l’écart entre les attentes et le vécu pouvait expliquer des difficultés rencontrées (parfois majeures). Qu’en est-il de l’anticipation ? Ce sujet, sur la période 2021/2024, mériterait : 1) d’être questionné en profondeur et 2) de faire l’objet d’une étude à partir de la réussite des apprenants à distance dans une perspective dynamique plus affirmée. Et au-delà des constats, ce sont aussi les méthodes mises en place par les apprenants (pour favoriser leur réussite, suivre les cours, etc.) qui pourraient être questionnées à l’avenir au sein de l’axe. Des recherches montrent en effet que les apprenants mettent en place des solutions parfois très singulières, faisant preuve d’une créativité en lien avec leurs besoins du moment, afin de sécuriser leur parcours de formation. Du point de vue de la réception, les questions de lecture d’écran et d’intelligibilité du document numérique nécessitent une approche qui prend en compte l’attention, la perception et les apprentissages à partir des documents dans leur diversité. Enfin, les chercheurs de l’axe analysent aussi des situations d’apprentissages au cours desquelles les apprenants mobilisent des documents ou dispositifs numériques complexe (par exemple en Fablab, via des robots de téléprésence, ou au cours de travaux à partir de données ouvertes). Dans ce cas, les analyses portent à la fois sur les dispositifs et leurs usages au cours de l’activité ainsi que sur les littératies développées par ces mêmes apprenants.

  1. Les politiques publiques : aménagement numérique et innovation dans les territoires

La question générale de l’articulation dynamique et évolutive entre organisations et dispositifs d’information dans un contexte numérique est un objet d’étude à part entière qui dépasse le seul champ de l’innovation, posant ainsi de façon prégnante la question des enjeux et usages des TIC et d’une manière plus générale, du numérique. Les travaux s’inscrivent dans des contextes tels que la réorganisation universitaire, l’évolution des outils et des méthodes pédagogiques aussi bien dans les pays du Sud que dans les pays du Nord, la recherche d’outils de gestion du développement durable, du tourisme, des équipements touristiques, ou encore de mutations des métiers -et des corps socio-professionnels- qui voient leurs modalités de management et d’action fortement modifiées par le recours au numérique. Les politiques récentes d’incitations fiscales jouent le rôle d’accélérateur dans cette mobilisation du numérique en entreprise : le contexte devient acteur, trop souvent dans des mises au format. C’est oublier l’ancrage socio-culturel, socio-économique des acteurs internes dirigeants-collaborateurs, et les risques de surcharges collaboratives numériques que cela entraine. Plus généralement, on a affaire à une mise en coffrage1 ou au moule du modèle économique (soumis au capitalisme financier technologico-structurant) dans lequel l’ensemble des parties prenantes en particulier internes (dirigeants, salariés) se doit de prendre la forme, non pas pour s’y maintenir le temps nécessaire de devenir autonome et de sortir du moule, mais pour se stratifier à l’hyper-modernité au service de l’impensé de l’hyper-contrôle et de l’impensable de l’hyper-concurrence. En somme, cette perpétuelle course à l’articulation s’aveugle et fait barbarie douce (Le Goff, 2003).

Le mouvement coopératif est né dans la deuxième moitié du XIXe siècle afin de lutter contre la précarité socio-économique consubstantielle à l’avènement du capitalisme et de la révolution industrielle. Ainsi est née la mise en place de groupements de coopération autour de grands principes de Liberté, d’Egalité et de Solidarité (ou d’entre-aide).

Ce mouvement coopératif retrouve depuis une quinzaine d’années un regain d’intérêt. Une étude de Coop FR de 20182 montre que le modèle d’affaires des coopératives en particulier de consommateurs est largement attractif. On y trouve aussi des coopératives de commerçants, de producteurs (agricoles, agro-alimentaires et industriels).

Cet engouement est ici consubstantiel à l’imminence des catastrophes écologiques et la succession actuelle de crises. Ce qui nous enjoint à reconnaître la limitation de nos catégories de pensée. Il semblerait que leur attachement aux références au progrès technologique, à la rationalité, à l’universalité les rendent inactives quant à la distinction entre les faits eux-mêmes, la reconnaissance qu’on leur accorde et la valeur de leur impact. On se rend alors aveugle et on se met dans l’incapacité à sentir et à re-sentir ce qui est en train de se passer. Ce qui signifie que l’on ancre toute pensée du monde dans un sujet pensant et que l’on oublie le sujet sentant, re-sentant. De plus, les sciences humaines et sociales s’engagent sans cesse dans des aventures méthodologiques dont le but ultime est capturer et de tenir sous son joug Protée3. C’est ce qui explique la répétion des mêmes erreurs et multipie des trop-pleins de mouvements, de transitions…

Pour l’individu au travail, cela se traduit par des perturbations de repères, des perturbations de ce qui fait l’intégrité de son socio-professionnel et de son agir en situation (Schott, 2020).

Ces perturbations viennent bousculer son appartenance au groupe de travail, son identité et ses projets professionnels, et aussi l’assimilation du passé, la confiance en l’avenir. Dans tous les cas, elles grèvent sa puissance d’agir. Il y a surcharges et charges émotionnelles, détresse, péril de l’impulsion vitale de soi et de ceux de son équipe.

Acceptée par l’organisation -c’est-à-dire par ses représentants (la gouvernance)- cette mise en perturbations peut constituer un passage vers d’autres chemins. Comme le souligne Bion (1970/1990), l’acceptation représente le début d’une capacité à retourner le négatif.

Il ne s’agit pas de poser la question de la réversibilité, de la réparabilité individuelle et/ou collective. Il s’agit de redonner de la dignité aux équipes et un sens. Ce qui implique de structurer un temps dans lequel on s’autorise (gouvernance et équipes) à dire, c’est-à-dire un espace autre, un dispositif tiers pour explorer d’autres respirations, d’autres inspirations, d’autres capacités et au final accréditer les managers. Au sein de l’axe, outre le repérage et l’analyse de situations professionnelles ou sociales, des chercheurs considèreront le point commun de ces voies et moyens qu’est l’accueil de l’hybridation entre ancien et nouveau système (Tixier, 2002) vers possiblement des rebonds individuels et collectifs. On l’aura compris, les conditions de la « fabrique » de ce chemin vers l’hybridation et de possibles rebonds individuels et collectifs passent par la création ou le recours à cet espace autre, à ce dispositif tiers qui tente d’apporter du soin aux équipes et aux managers.

  1. Les méthodes et outils de mesure de l’usage des systèmes numériques

La redéfinition des statuts de l’information et plus particulièrement de l’information utile a amené à une pratique de la collecte quasi-systématique des données et au foisonnement des centres de ressources d’information. Comme l’avait prédit l’OCDE au début des années 1970 aux pays alors investis dans l’accumulation des connaissances, l’information est devenue une matière première à forte valeur ajoutée. À travers la notion de Big Data ou de « déluge de données » dont on espère faire la banque de connaissances de base aussi bien pour l’Intelligence Artificielle que pour l’Intelligence Économique, transparaissent toutes les attentes de la Société de la Connaissance dont l’Union Européenne voudrait être le pivot, à l’égard des nouveaux gisements. S’il est relativement aisé de mettre en œuvre les outils d’alimentation du Cloud, ceux du post-Cloud, c’est-à-dire de son exploitation efficiente sont à peine émergents. Tout en poursuivant les travaux issus de la webométrie qui constituent un modèle d’analyse pouvant s’appliquer à de nombreux domaines ainsi que l’analyse des phénomènes utopiques et dystopiques en matière d’information, de documentation et de données, l’ambition, dans l’Axe ICIN, est aussi d’explorer des voies d’optimisation de cette nouvelle documentation. Enfin, certains chercheurs de l’axe tentent de dessiner progressivement les nouvelles stratégies et discours managériaux mis en œuvre en matière de gestion, de mise à disposition et de valorisation des jeux de données publiques ou de recherche.

Une des forces de l’Axe ICIN est le regroupement de chercheurs de formations variées, aux méthodologies et approches de recherche complémentaires. La collaboration entre ses membres permet de développer des méthodologies mixtes et originales dans le cadre de ses projets. Ces méthodes reposent d’une part sur la collecte de données quantitatives (par questionnaires, via les systèmes d’information tels que les learning analytics, ou par l’analyse lexicométrique appliquée à des corpus de documents…) ; et d’autre part, sur la collecte de données qualitatives (issues d’entretiens semi-directifs individuels et groupés, d’observations de situations authenthiques situées ou expérimentales…). Dans la plupart des projets de l’axe, ces données quantitatives et qualitatives sont croisées, combinées et synthétisées. Le traitement et l’analyse d’un type de données peut se faire à l’aide d’outils informatiques mais aucun outil ne permet l’articulation entre les différents types de données en vue d’une analyse écosystèmique complexe et combinée. Ainsi, des modèles analytiques spécifiques aux besoins des projets et des acteurs enquêtés sont développés.

Par ailleurs, la philosophie progressive défendue par les chercheurs de l’axe est de s’engager dans une démarche d’ouverture de données de la recherche, et de valorisation des méthdologie et résultats de recherches en cours, à travers des dispositifs de communication collaboratifs (carnets de recherche sur hypotheses.org notamment).

À partir des chercheurs comme Abric, Jodelet, Moscovici, nous nous proposons de travailler le concept de représentation, certes comme prescriptions explicites et/ ou implicites selon le terme convoqué par Durkheim et approfondi plus tard par Moscovici, mais aussi en tenant compte des recherches expérimentales (Abric, Flament (1996) ou Jodelet (1989)). Des chercheurs de l’axe proposent, de fait, de poser, sur des terrains (à déterminer) une méthodologie transdisciplinaire qui prendrait en considération la sémiose (Pierce, Fontanille…) et les pratiques en approche clinique transculturelle (Mouchenik, Moro, 2021). Des domaines aussi variés que le vin, l’écologie, la formation ou les transcultures numériques continueront d’être explorés.

Pour conclure, les chercheurs d’ICIN ont cherché, cherchent et chercheront à l’avenir le lien possible avec innovation (au sens notamment du chercheur innovant) et la question de notre prise de risque méthodologique en croisant des méthodes qui souvent s’ignorent entre elles. Par exemple, les journées nationales d’étude du réseau TICIS adhèrent et supportent ce postulat de croisement des méthodes.

  1. L’analyse des idéologies en circulation sociale autour des transitions et mutations avec/par le numérique

Les idéologies en circulation sociale, afin de dépasser les seules approches centrées utilisabilité, usages, représentations, reprennent l’ascendant dans la société de la connaissance. En effet, à travers les dynamiques, les discours et les modes de structuration de l’information en contexte numérique, il est important d’apporter une approche critique de l’émergence, la circulation et la diffusion des idéologies contemporaines au-delà des incidences des politiques et déploiements avec/par le numérique. Analyser les idéologies exige de découvrir, décrypter, comprendre et critiquer les structures mythologiques des discours, les catégories des représentations, les constructions du sens des pratiques et des politiques du numérique. L’idéologie a notamment des fonctions de dissimulation, de légitimation de la domination, et d’intégration, en tant que vision du monde et code d’interprétation partagée des évènements. Parler d’idéologie autour des transitions numériques, c’est tenter de décrypter les catégories qui structurent les discours orientés vers l’action en lien avec des formes de connaissance, dans les phénomènes d’information et de communication. Dans cette perspective, la question de l’utopie tient une place particulière, notamment dans les discours sur le numérique comme vecteur de pratiques et de connaissances totalement renouvelées.

Les thématiques définies par l’Axe sont devenues des enjeux majeurs dans les projets nationaux et dans la stratégie des acteurs économiques. Certaines, nouvelles dans le champ de compétence des Sciences de l’Information et de la Communication comme les outils de médiation des connaissances et les systèmes numériques d’éducation et de formation ou, historiques comme la Documentation, sont amenées à prendre de l’importance dans les politiques nationales de déploiement des technologies de l’information et des technologies clés de l’économie nationale et des nouvelles stratégies innovantes à l’échelle européenne. Leurs champs de couverture qui touchent désormais aussi à la littératie informationnelle des jeunes, des séniors et des acteurs de l’Économie peuvent être particulièrement féconds pour le laboratoire dans la définition de ses thématiques et de son positionnement social.

Le principe de mutation est un atout essentiel pour le développement des sociétés. Adopter l’agilité4 comme priorité stratégique relève d’un état d’esprit innovant5 qui vise la création de valeur à de multiples niveaux : qualité et efficacité de la production ; performance de l’image diffusée ; pertinence de l’information. Il n’est désormais plus à démontrer que l’information, les systèmes qui la véhiculent et qui la gèrent, les techniques qui l’instrumentent, prennent une part décisive dans tous les secteurs d’activité. Dans ce contexte, les technologies numériques ont un rôle déterminant à jouer.

C’est la notion d’écosystèmes numériques6 qui est alors mobilisée au sens où l’on considère les phénomènes dans leur relation interactionnelle. Ce terme d’écosystème numérique peut être défini comme un ensemble dynamique composé d’acteurs (créateurs, producteurs, diffuseurs, usagers) et de produits numériques (sites web, réseaux sociaux, plateformes, logiciels). Chaque élément est en interdépendance/interaction avec tous les autres et contribue à constituer la complexité et la richesse de cet ensemble.

Ainsi, les défis de la transition numérique7 portent moins sur l’invention et l’appropriation d’outils de plus en plus sophistiqués (incluant l’IA) que sur les modalités de circulation des connaissances et de partage des responsabilités. Le déploiement des technologies numériques a pour effet de générer une montée en puissance de l’implication citoyenne face à la complexité des situations sociales et politiques. La force de la démocratie est de reconnaître la pluralité des identités individuelles et de les intégrer dans les décisions collectives qui sont censées devenir l’affaire de tous et ne sont plus l’apanage des seuls scientifiques, professionnels, dirigeants. « L’intelligence collective » caractérise ces prises de position communautaires, cette cocréation, co-construction de dispositifs et d’actions qui dépassent largement la simple consultation populaire. Les conférences du réseau international EUTIC ont traité en profondeur de nombreux thèmes de cet axe ; ce réseau a été créé au début des années 2000 par Lise Vieira, membre d’ICIN.

Par exemple, le terme de gouvernance a longtemps connu plus de succès dans les pays anglo-saxons et au Canada qu’en France, où il a été relégué pour son caractère polysémique. Il fait néanmoins une apparition remarquable depuis quelques années dans les documents institutionnels produits par les administrations, dans lesquels il fait l’objet d’analyses et de propositions. Le concept de gouvernance, par rapport à celui de gouvernement, a une connotation moins institutionnelle et plus dynamique : quand on parle de gouvernance, on s’intéresse aux processus réels de prise de décision plus qu’aux structures formelles, ainsi qu’à la diversité des acteurs et des modes de participation possibles (Paye, 2005). Le Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique a, par exemple, remis en 2015 un rapport sur « La gouvernance de la donnée » qu’il définit comme “l’ensemble de principes et de pratiques qui visent à assurer la meilleure exploitation du potentiel des données (p. 48)”. Le terme est ici très générique, se référant à des principes, donc un cadre, mais aussi des pratiques.

Les questions qui surgissent concernent les modes de fonctionnement politique et bureaucratique des organisations (entreprises, administrations, collectivités…), leur relation avec le public et les façons de l’intégrer à la prise de décision, les compétences professionnelles dans les modalités de fonctionnement des systèmes d’information, et, de façon générale, l’écosystème informationnel. La gouvernance « associe négociations, prises de décision et émergence de consensus » (Schafer, Le Crosnier, 2011), éventuellement à travers des formes de participation et d’engagement. Le concept de gouvernance ouverte lie les principes de transparence et de participation dans une relation complexe intégrant visibilité de l’action publique et développement des moyens d’expression, voire d’action, des citoyens. Son analyse doit tenir compte des “comportements organisationnels” qui peuvent constituer des entraves à l’ouverture (Pasquier, Villeneuve, 2007). Celle-ci a pour corollaire un principe de confiance visant à maintenir un équilibre et éviter que certains s’approprient des éléments d’information au détriment d’autres (Maurel, Chebbi, 2012 : 85). La problématique de la gouvernance de l’information ne peut donc faire l’économie d’une réflexion sur le sens politique de celle-ci et l’intégration ou non de la participation comme principe organisationnel, de façon formelle par des dispositifs politiques et techniques, ou informelle par des réseaux sociaux, notamment.

Au-delà, nos questionnements portent sur l’humain et les réseaux. Maître ou objet des réseaux techniques et des réseaux humains, l’humain en situation de risques et d’incertitudes se trouve en tension permanente entre des possibles l’amenant dans un flux, un mouvement mais aussi dans des instants de rétention, d’attente de réflexivité et de résilience. Si l’homme devient en raison de l’écosystème actuel un « acteur–réseau », il est aussi une conscience en lien avec un espace plus ouvert encore. Nous voulons explorer cela, à la suite des travaux passés sur complexité et métamorphose de la conscience d’une science qui ne peut plus être définie uniquement comme un savoir classique (Prigogine, Stengers, 1979). De fait, cette exploration sur les engagements des scientifiques, à l’heure actuelle, nous amène, par exemple, à proposer approches critiques et projections réflexives sur les idéologies et imaginaires contemporains sur le savoir et les connaissances. Nous comprenons, dans le terme d’approches critiques, toute conception concernant la société qualifiée de société de la connaissance. De fait, notre société expose l’homme à une médiarchie (Citton, 2017) qui l’enveloppe et le massifie. Les seules solutions résident à habiter cela sous formes de mises en forme créatives et rebelles par des expériences et des médiations. Les « intermédia-tions/teurs du savoir » seront un objet scientifique attractif pour certains chercheurs de l’axe. Certains d’entre eux envisagent de creuser encore plus, sur la période 2021-2024, la reconsidération de l’humain et des créations artistiques ou prises de position politique pour poser un regard critique sur les humanités de demain, numériques incluses en n’omettant pas de distinguer l’impact de la raison systématique (scientificité) croisée à l’intuition et à l’esthétique issue du corps, des émotions et de la conscience (Damasio, 2002) ; ceci nous permet d’envisager également des collaborations internes à d’autres axes du MICA et externes au laboratoire. Enfin, appréhender puis analyser les idéologies de/sur l’information, les savoirs et les documents, reviendra pour nous, à questionner et enrichir le courant des cultures de l’information (Liquète, 2014) associant pratiques, usages et représentations, tout en considérant les formes de résistance de nature analytique, compréhensive voire vindicative dans le rapport complexe et situé aux écosystèmes dédiés à l’information.

Proposition de mots-clés de l’axe ICIN :

Politiques d’innovation / écosystèmes numériques / dynamiques des mutations numériques (cf. analyse matricielle)

ICIN, une force éditoriale et scientifique :

Exemples de collections éditoriales :

  • « Utopies en information, communication et documentation » – Iste éd., direction Pr. Vincent Liquète
  • « Labyrinthes » – PU de Bordeaux, direction Pr. Lise Vieira
  • « Médiation et médiatisation des savoirs » – Iste éd., direction Pr. Anne Lehmans et Pr. Vincent Liquète
  • Plusieurs membres de l’axe ICIN membre des comités éditoriaux dans des revues internationales en SIC : Hermès (CNRS éd.), Communication des organisations (PU Bordeaux), ATIC (CNAM et al.), La revue du Gricodd (Collectif franco-canadien), Ecosystèmes numériques (Presses des Mines), Intelligibilités numériques (UTC & U. de Montpellier 3),…
  • Management & Sciences sociales (comité éditorial et comité scientifique ; revue classée 4 par la FNEGE, 2016)
  • Revue Psychanalyse & Management (comité éditorial – Secrétaire de rédaction – et comité scientifique)

Fondateurs et animateurs scientifiques de colloques internationaux comme :

  • Réseau TICIS
  • Réseau EUTIC
  • Réseau COSSI
  • Réseau CIA

Quelques références bibliographiques en appui au texte :

Abric, J. C. (2003), Méthodes d’études des représentations sociales, Eres, Paris : Eres, 295 p.

Bion, W. R. (1970/1990), L’attention et l’interprétation. Une approche scientifique de la compréhension intuitive en psychanalyse et dans les groupes, Paris, Payot, coll. « Science de l’homme ».

Citton, Y. (2017), Médiarchie, Paris : Seuil.

Cotte, D. (2017). La “fabrique du document” à l’assaut des métiers, Les Enjeux de l’information et de la communication, 18-2, 2017, p. 9-17, URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2017-dossier/01-Cotte/.

Damasio, Antonio R. (2002), Le sentiment même de soi. Corps, émotions, conscience, Paris : Odile Jacob, Collection Sciences.

Engeström, Y. (1999), Activity Theory and Individual and Social Transformation (p. 19-38), in Engeström, Yrjö, Miettinen, Reijo, and Punamäki, Reija-Leena (Dir.), Perspective on Activity Theory: Learning in doing: Social, Cognitive, and Computational Perspectives, New York, Cambridge University Press.

France, Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (2015). La gouvernance de la donnée, URL : http://www.modernisation.gouv.fr/sites/default/files/fichiers-attaches/rapport_agd_decembre2015.pdf.

Le Goff J.P. (2003), La barbarie douce. La modernisation aveugle des entreprises et de l’école. Paris : La Découverte

Liquète V. (2014), Cultures de l’information. Paris : CNRS édition.

Maurel, D., Chebbi, A. (2012). La perception de la confiance informationnelle. Communication et organisation, 42, URL : http://communicationorganisation.revues.org/3864.

McLuhan, M. (1964): Understanding Media: The Extensions of Man. New York: McGraw-Hill.

Mouchenik Y. Moro, M-R. (Dir.) (2021), Pratiques transculturelles. Les nouveaux champs de la clinique, Paris : In Press, Collection « Hospitalité(s) ».

Pasquier,M.,Villeneuve, J-P. (2007). Les entraves à la transparence documentaire. Établissement d’une typologie et analyse des comportements organisationnels conduisant à empêcher ou à restreindre l’accès à l’information. Revue Internationale des Sciences Administratives, 73(1), p. 163-180

Paye, O. (2005). La gouvernance : d’une notion polysémique à un concept politologique. Études internationales, 36-1, mars, 13-4. URL : http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/liseuse/6252/master/projet/Rapport-au-Premier-ministre-sur-la-gouvernance-de-la-donn%C3%A9e-2015.pdf.

Prigogine I., Stengers I., (1979), La nouvelle alliance, Paris : Folio, Essais.

Schafer, V., Le Crosnier, H. (2011). La Neutralité de l’Internet : une question de communication. Paris, CNRS éditions.

Schott, A. (2020), Sous une régénération, le leurre : l’exemple du SLACK chez JED. Revue Cahiers Risques et Résiliences, n° 2, octobre, p. 131-150. URL : https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=66801

Tixier P-E. (sous dir.) (2002), Du monopole au marché, la stratégie de modernisation des entreprises publiques, Paris, La Découverte.

Zacklad, M. (2004). Processus de documentarisation dans les documents pour l’action (DopA), in Savard R. (Dir.), Le Numérique : impact sur le cycle de vie du document, 13-15 octobre 2004, Montréal, Lyon, École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques, 2004, URL : http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/1209-processus-de-documentation-dans-les-documents-pour-l-action-dopa.pdf.

Remarque : pour approche matricielle des chercheurs d’ICIN a été conçue pour analyser l’évolution de notre axe : bit.ly/MatriceICIN

1 Le coffrage est une enceinte provisoire, un moule, destinée à maintenir en place un matériau de construction le temps que celui-ci devienne autoportant.

3 Dans la mythologie grecque, Protée (du latin Proteus) est le « vieillard de la mer » qui avait le don de prophétie et qui gardait les « troupeaux de la mer » (les phoques). Il habitait soit l’île de Pharos, près de l’embouchure du Nil, soit l’île de Carpathos, entre Rhodes et la Crète. Il connaissait le passé, le présent et l’avenir, mais n’aimait pas révéler ce qu’il savait. Ceux qui désiraient le consulter étaient obligés de le surprendre pendant sa sieste et de le ligoter ; et même, lorsqu’il était pris, il essayait encore de s’échapper en prenant toutes sortes de formes. Mais, si celui qui l’avait capturé ne lâchait pas prise, il revenait finalement à sa forme première, donnait la réponse désirée, puis plongeait dans la mer.

4 Cf. actes du colloque international EUTIC 2018 intitulé « Adaptabilité, flexibilité, agilité des systèmes informationnels ».

5 Cf. actes du colloque international EUTIC 2014 intitulé « Le rôle des TIC dans le design des processus informationnels et cognitifs ».
6 Cf. actes du colloque international EUTIC 2015 intitulé « Les écosystèmes numériques et la démocratisation informationnelle ».

7 Cf. actes du colloque international EUTIC 2021 intitulé « Les défis de la transition numérique».

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