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You are currently viewing Festival de sémiotique visuelle

Date/heure
22/06/2022 - 24/06/2022
8 h 30 - 16 h 30

Emplacement
IUT Bordeaux Montaigne

Catégories


Depuis plusieurs décennies, des oeuvres représentatives de l’art dit contemporain participent à l’artification (Heinich & Shapiro 2012) des villes, se prêtant à des analyses plastiques (Greimas 1984 ; Floch 1985) ou énonciatives (Dondero, Beyaert-Geslin, Moutat 2017). Cette ancienneté autorise aujourd’hui à étudier, au-delà de l’événement perceptif qu’elles constituent et d’une lecture énonciative attentive au dialogue noué avec leur observateur, des formes de cohabitation et des transformations effectives. Comment ces oeuvres ont-elles transformé la ville, interférant dans les stratégies d’observation, modifiant les parcours des piétons, cristallisant des lieux (de Certeau 1990) et, à travers des dissimulations et des accentuations, redistribué les valeurs ? Comment ont-elles modifié l’image de la ville (Lynch 1960) et, s’offrant telles des symbolisations marquantes, contribué à sa lisibilité et son identité ? Comment, plus largement, ont elles donné sens à l’espace urbain en actualisant des potentialités qui, sans elles, seraient restées inaperçues : ont-elles tissé des liens confirmant l’habitude de l’habiter et apporté leur concours à la construction d’un « chez soi » (Heidegger 1951) ou, au contraire, opté pour la défamiliarisation, le geste marquant la présence d’un artiste, l’événement esthétique (Zilberberg 2006) voire le scandale (du grec skandalon, la pierre d’achoppement placée sur le chemin, qui fait tomber). Quelles relations les citadins ont-ils nouées avec elles ? en quoi leurs pratiques (Fontanille 2008) ont-elles été modifiées ? en quoi, tout simplement, les oeuvres ont-elles transformé les citadins ?

Si ces questions ne sauraient éluder le point de vue de l’esthétique, elles réclament une étude sémiotique approfondie pour impliquer l’art dans un double contrat en suivant les deux acceptions de l’urbanité qui définit à la fois le caractère de ville (par opposition à ruralité) et une courtoisie, une politesse, une sociabilité urbaine. Comment l’art constitue-t-il ce que nous appelons une ville ? comment contribue-t-il (ou non) à un « vivre ensemble », une convivialité urbaine ?

Quelques concepts-clés de la sémiotique permettent de traiter ces questions, à commencer par la présence et la factitivité -faire faire, faire savoir, faire croire- de Greimas (1983) qui, associée aux modalités, permet de décrire finement les parcours du corps et du regard de l’habitant. Le concept d’agence ou agentivité de l’anthropologie (Gell 1998) attaché au statut artistique s’avère également éclairant dans la mesure où, en posant une équivalence avec des personnes, il permet de considérer les oeuvres comme des habitants à part entière, des instances avec lesquelles la cohabitation pourra être négociée.

Ce colloque, qui s’inscrit dans le cadre du programme Graffcity, appropriations urbaines imagées financé par la région Nouvelle-Aquitaine, propose d’explorer plusieurs axes particuliers.

Le dialogue des langages et la construction de l’espace public. La ville est un laboratoire en plein air pour la confrontation des langages. Une première piste de recherche consiste à explorer cette hétérogénéité sensible et sémiotique pour en caractériser les formes rhétoriques. L’épaisseur discursive entremêle non seulement des formats sémiotiques différents, des images et des textes, mais aussi des statuts artistiques variés : des oeuvres « institutionnelles », « dissidentes » ou « participatives » pour lesquelles les habitants investissent à la fois les rôles d’observateurs, de modèles et d’artistes (voir par exemple, les photographiques de JR). Plus largement, l’épaisseur discursive mélange les statuts d’images, confrontant le publicitaire et/ou le politique à l’artistique et révélant des statuts hybrides tel l’artivisme. Cette variété d’images fait ainsi dialoguer de multiples acteurs sociaux, individus ou communautés, en désignant de nouveaux (le street artiste, par exemple). A travers ces formats diversifiés, il s’agit de manifester sa présence, de prendre position (assertion, négation) dans une agora visuelle et de construire l’espace public (Arendt 1958 ; Habermas 1962). On enquêtera cette agora pour décrire les phénomènes de recatégorisation du champ de l’art, l’émergence de nouveaux acteurs et les formes rhétoriques de la confrontation discursive et politique.

La contribution de l’art à une morale. L’urbanité se conçoit comme une participation à une morale urbaine. Si les images sont « responsables des coutumes et pratiques sociales » (Coccia, 2019), une attention particulière doit être portée aux images artistiques afin de préciser leur apport spécifique à notre culture visuelle et de le distinguer de celui des publicités diffusées dans la ville. Si, à l’instar de ces images, l’art procède à la mise à jour continue des valeurs sociales et indique ce qui nous importe, il prend une part singulière à cette construction collective dans la mesure où, outre les valeurs esthétiques, il questionne le bien, le vrai et, de façon plus essentielle encore, la valeur des valeurs. Le mode d’assertion de ces valeurs et sa relation à l’espace public retiennent également l’attention. L’art d’aujourd’hui y introduit le dissensus : peut-on ériger la provocation rhétorique en règle générale ou faut-il, plus simplement, en se plaçant du point de vue du citadin, évoquer une provocation perceptive (Beyaert-Geslin 2021), résultat d’une rupture de l‘habitude, ce que suggère l’extinction des polémiques après quelques années (pensons à celles qu’ont suscitées les Colonnes de Buren et la Pyramide du Louvre à Paris) ? Une seconde piste de recherche concernera la contribution de l’art urbain à une morale collective et ses formes rhétoriques.

La nouveauté technologique et les conditions de l’implémentation. La profusion des outils de captation a largement diffusé les représentations des oeuvres urbaines (comme arrière-plan du selfie, par exemple), occasionnant leur mise en abyme (des images d’images d’images) et leur circulation sous forme de flux dans la culture (cf la trivialité de Jeanneret 2008). Avec les nouveaux genres d’images, des points de vue inusités sur la ville sont apparus qui ont désigné certains supports d’inscription. Ainsi les images faites par des drones, en popularisant la perspective à vol d’oiseau ou en hauteur, ont-elles promu un nouveau support d’inscription, le sol, et construit la figure de l’observateur-habitant de l’immeuble. Un troisième axe de réflexion concernera le devenir-image des oeuvres urbaines, les stratégies de construction et les transformations expressives de ces images, mais aussi les accentuations, les déplacements de l’attention dans la ville et, plus globalement, sa resémantisation (Pezzini & Bertolotti 2021) via ces prises en charge figuratives.
Pour ce colloque qui fera dialoguer la sémiotique (sémiotique visuelle, sémiotique de l’espace, sémiotique de la ville) avec les sciences de l’information et de la communication, les arts plastiques, l’architecture, l’anthropologie et les visual studies, notamment, les propositions mobiliseront les deux acceptions de l’urbanité pour essayer de saisir la puissance agissante de l’art à l’échelle de la ville, une puissance comprise dans ses dimensions spatiale, médiatique et politique.

Programme

Le 22 juin

  • 8h30 : Accueil
  • 9h-9h 30 : Introduction
  • Conférences :
    • 9h30-10h30 : Jacques Fontanille, université de Limoges : La dimension iconique et la dimension plastique. Petite chronique d’une grande distinction méthodologique.
    • 10h30-11h15 : Pierluigi Basso Fossali, université Lumière-Lyon 2 : La sémiotique visuelle entre voie moyenne et nouvelle avant-garde
    • 11h15-12h : Tiziana Migliore, Centre de sémiotique d’Urbino : Posture sémiotique. Le « Voir double » de Paolo Fabbri
    • 12h-13h 30 : buffet

Colloque L’urbanité de l’art. Questions sémiotiques

  • La ville en représentation
    • 13h 30-14h : Jean-François Bordron, Université de Limoges : La ville, impression et expression.
    • 14h-14h 30 : Gianfranco Marrone, Centre de sémiotique d’Urbino : Hybrides dans la ville : humains et non-humains
    • 14h 30 -15h : Isabel Marcos, Université de Lisbonne : La morphogenèse du Mur de Berlin : Front conflictuelle, Frontière idéologique, Objet artistique, Symbole
    • 15h-15h 30 : questions
  • 15h 30-15h 45 : pause
    • 15h 45-16h15 : Everardo Reyes, Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis : Visualités de l’eau : sémiotique, hydrologie et dispositifs numériques
    • 16h15-16h45 : Audrey Moutat, université de Limoges : « Expériences de vi(ll)es »
    • 16h 45-17h15 : questions

Le 23 juin

  • La ville-musée
    • 9h 30-10h : Isabella Pezzini, Université de Rome La Sapienza : Le jeu des trois tours. Les totems d’Arnaldo Pomodoro à Bologne
    • 10h-10h 30 : Juan Alonso Aldama, Université de Paris : Le regard des autres : Autoreprésentation et hétéroreprésentation dans le cas du Musée Guggenheim de Bilbao
    • 10h 30-11h : Marie Heyd, université de Strasbourg ; Christian Drevet, architecte ; Patrick Bourgne, université Clermont-Auvergne : Les métamorphoses de la place des Terreaux. Monumentalité, transformation de l’espace public et de la construction du sens commun.
    • 11h -11h 30 : Vivien Lloveria, Université de Limoges : Actualiser une conscience du lieu : les expériences sémiotiques du Voyage à Nantes.
    • 11h 30-12h 15 : questions
  • 12h 15-14h : buffet
  • La ville support d’inscription
    • 14h-14h 30 : Norma Discini, Université de Sao Paulo : Art urbain et expériences de lecture
    • 14h 30-15h : Marion Colas-Blaise, Université du Luxembourg : Les pouvoirs du street art : pour un espace public commun
    • 15h-15h 30 : Maria Giulia Dondero, FNRS/Université de Liège : Les musées à ciel ouvert des favelas de Rio de Janeiro (Cantagalo –Pavão–Pavãozinho, Vidigal, Morro da Providência)
    • 15h 30-16h : questions
  • 16h -16h 15 : pause
  • La ville en transformation
    • 16h 15-16h 45 : Lucia Texeira, Université de Niteroi (Brésil) : Transformations urbaines dans la région portuaire de Rio de Janeiro: de l’architecture sophistiquée au graffiti, quelles mutations dans la ville ?
    • 16h 45-17h 15 : Elisabeth Harkot De la Taille, Université de Sao Paulo (FFLCH-USP) : Bike Art : militantisme artistique dans l’insertion de la bicyclette dans les paysages de São Paulo
    • 17h 15-17h 45 : questions
  • 17h 45-19h30 : surprise

Le 24 juin

  • La ville-statuaire
    • 9h 30-10h : Michel Costantini, université Paris 8 : Erections démocratiques. La statuaire dans l’espace civique.
    • 10h -10h 20 : Nedret Oztokat, université d’Istanbul : La statue comme objet de conflit : quels enjeux pour l’objet d’art sur la place publique ?
    • 10h 20-10h 40 : Alumine Rosso, Universidad Nacional de las Artes, Buenos Aires / Universidad Autónoma de Madrid : #MoiMusée Une étude de la promesse expérientielle façonnée par l’architecture des musées d’art moderne : les cas du Centre George Pompidou (Paris), MALBA (Buenos Aires), Moma (NYC) Reina Sofía (Madrid) et Tate Modern (Londres).
    • 10h 40-11h 10 : questions
    • 11h 10-11h 30 : Anne-Cécile Lenoël, université Bordeaux Montaigne : Approche discursive de la ville-écran : (re)négociations des expériences sensibles.
    • 11h 30-12h : Alice Giannitrapani, University of Palermo : The negative of the city. The case of the Grande Cretto in Gibellina.
    • 12h-12h20 : questions
  • 12h 20-14h : buffet
  • La ville support d’inscription
    • 14h-14h 20 : Thiago Moreira Correa, UNESP/CAPES : Inscriptions urbaines : dans la dynamique de la sphère publique et la formation de la citoyenneté.
    • 14h 20-14h 40 : Alexandre Sbabo, Pontifícia Universidade Católica de São Paulo / Université de Limoges/université Paris-Est-Créteil : Plus qu’un support, c’est de l’art aussi : Interactions et resignifications entre le support, le graffiti et la ville.
    • 14h 40-15h : questions
    • 15h-15h 20: Michele Dentico, Università di Roma La Sapienza : L’art de la rue comme pratique d’auto-modélisation de la culture institutionnelle : le cas de Taranto Regeneration Urban Street
    • 15h 20-15h 50 : Caroline Prevost, université Bordeaux Montaigne : Trajectoires et dialogues urbains. L’exemple du néomuralisme argentin
    • 15h 50-16h 10 : questions
  • 16h 15 : conclusions et pot d’au revoir.