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Date/heure
24/06/2021 - 25/06/2021
9 h 45 - 17 h 00

Catégories


Le premier colloque du programme Graffcity-Appropriations urbaines imagées se déroulera à distance fin juin 2021. Une inscription préalable est requise et permet de recevoir le lien de connexion valable pour les deux journées.

Sémiotique et écritures urbaines

Les inscriptions urbaines ont fait l’objet de nombreuses études depuis les années 1970, qui les ont référées au street art (Genin 2013), ont envisagé leur participation à une critique anticapitaliste (Waclawek 2012) ou à une artification (Heinich & Shapiro 2012) et ludification de la ville (Lavadinho 2011). Le programme Graff-City : appropriations urbaines imagées (2020-2023) financé par la région Nouvelle-Aquitaine et la Maison des sciences de l’homme d’Aquitaine fait l’hypothèse qu’une nouvelle forme de participation citoyenne et d’appropriation symbolique de la ville peut être étudiée à travers ces inscriptions, leur observation et leur négociation.

Ces pratiques d’inscription sont complexes car, dans la continuité de la « flânerie » initiée au XIXè siècle, elles associent les pratiques visuelles et manuelles, le regard et la main, et occasionnent une double mise en spectacle, la présentation de soi (Goffman 1973) s’effectuant au travers de celle de la ville. Elles peuvent être abordées par la notion d’énonciation buissonnière ou délinquante (de Certeau 1990). Inscrire son « propre » revient alors à prendre acte d’un destin urbain, à s’inscrire dans une généalogie tout en revendiquant une participation au futur de la ville. Celle-ci devient alors un palimpseste où des « je » multiples, s’ajustant à des traces architecturales ou implémentées, prennent position par rapport à d’autres « je » et à divers « nous ».

Le programme Graff-city vise un triple objectif. Il entend observer les formes récentes des inscriptions et leur implémentation dans le tissu urbain, étudier la resémantisation opérée à différents niveaux de granularité de la ville (le mur, la rue, la cité) et comprendre en quoi ces inscriptions participent à la redéfinition d’une citoyenneté urbaine. Il se consacrera aux signatures, énoncés verbaux et graffitis en 2021 (l’échelle du mur) ; aux peintures murales (l’échelle de la rue) en 2022 ; aux lieux participatifs et parcours de street art en 2023 (l’échelle de la ville).

Le premier colloque du programme

Les inscriptions urbaines sont des énoncés syncrétiques, des combinaisons de texte et d’image, de lisible et de visible. Le colloque d’ouverture du programme organisé les 24 et 25 juin 2021 se consacrera aux inscriptions murales qui privilégient le lisible, même si la dimension plastique y reste engagée : les signatures, les tags, les écrits au statut poétique ou politique, les marques territoriales (graffitis des gangs), les écrits rédigés en réaction à un acte terroriste, les déclarations d’amour à la ville ou à un.e passant.e, etc. Il s’attachera à la fois à la forme de ces énoncés et aux conditions de leur implémentation, qui mobilisent les concepts de stratégie et de tactique (de Certeau 1990) et interrogent les relations entre les supports matériel et formel (Fontanille 2005). L’inscription murale peut en effet renier le support matériel porteur d’une histoire pour en faire une surface d’inscription. Dans ce cas, elle « bâillonne » l’architecture, la réduit au silence. Elle peut au contraire révéler la matérialité sous-jacente, mettre l’architecture en récit, lui offrir une épaisseur imaginaire et la « faire parler ». Elle décèle (dé-scelle) ou invente alors une histoire enfouie. L’énonciation délinquante du graffiti assume ou renie alternativement le récit urbain.

« Aux femmes assassinées, la nation indifférente », « Les joyeux guérissent toujours (Rabelais) », « Fluctuat nec mergitur »… Le « comment » (« comment cela signifie ») qui guide traditionnellement la réflexion sémiotique associera l’analyse des formes, couleurs et textures, aux questions « quand » et « où » pour tenter d’élucider la dimension aphoristique de ces énoncés. Aphoristique car ils privilégient la forme littéraire de l’aphorisme, mais surtout parce que leur signification résulte nécessairement d’une négociation qui tient compte de l’espace et du temps de l’inscription et, au-delà, s’efforce de reconstituer le cadre passionnel d’un discours aux fonctions tout à la fois expressive, conative (l’interpellation) et poétique.

Le contexte pandémique, qui a occasionné le report du colloque initialement prévu en juin-juillet 2020, donne-t-il un nouvel éclairage à ces écritures urbaines ? Le caractère dématérialisé de nos supports d’expression actuels révèle, par contraste, la matérialité des murs des villes. De même, le repli sur les espaces domestiques souligne l’extériorité de cet affichage et le rétrécissement de nos espaces l’extraordinaire ouverture des espaces urbains. En ce sens, la pandémie jette une lumière nouvelle et aventureuse sur cet espace urbain qui nous semblait pourtant familier. Dans quelle mesure modifie-t-elle aussi le sens de ces écritures exposées dans l’espace public ?

Le colloque veut ouvrir un espace de dialogue entre la sémiotique, les sciences de l’information et de la communication, les arts plastiques, la littérature, l’urbanisme et les sciences politiques, notamment. Il entend apporter une contribution spécifique à la construction disciplinaire de la sémiotique en faisant dialoguer plus étroitement la sémiotique visuelle, celle des pratiques et celle de la ville.