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You are currently viewing Séminaire ADS « L’ingérence créative » – février 2020

Date/heure
06/02/2020
16 h 00 - 18 h 00

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Dans la continuité du séminaire d’axe, coordonné par Patrik Marty et Oscar Motta, l’ADS recevra Alain Bressy pour une intervention intitulée :

L’art au-delà du droit

Alain Bressy, juge d’instruction, a créé un cabinet d’instruction à Bordeaux spécialisé dans le droit pénal de l’environnement, droit qu’il a par ailleurs enseigné à l’Ecole Nationale de Gendarmerie de Fontainebleau et à la fac de sciences de Bordeaux dans le cadre du Certificat International d’Ecologie du Professeur Marty. Par ailleurs, s’intéressant à la privation d’un certain nombre de droits, il a écrit et tourné en France un spectacle sur ce sujet intitulé  » le droit se meurt » et a intégré l’ONG Anticor (ruption et pour l’éthique en politique) en qualité d’administrateur.

La réalité de ce combat est que Bressy-juge fait le constat que :

  • le droit (surtout celui de l’environnement) a du mal à passer le cap d’un palais de justice et gagner les consciences – qu’il y a donc lieu de créer d’autres pistes pour le faire éclore.

De fait, le droit doit passer par le filtre positif de la culture pour devenir le vecteur d’un objet vivant, crédible, efficace. Seul le théâtre était à même de faire comprendre au public ce qu’est le droit et les conséquences de sa disparition pour les citoyens. Mais le théâtre n’est qu’un tout petit porte-voix dont l’écho s’amoindrit au fil du temps.

Il faut  donc frapper l’imaginaire pour que l’image reste et que sa pédagogie soit durable. La forme, le son, la couleur sont ce pied que l’on place dans l’entrebâillement de la porte pour empêcher qu’on nous la claque au nez: l’artiste peut et doit être ce regardeur d’une beauté qui se meurt et le récit de cette fin silencieuse aura plus de gravité sur le public que l’énoncé d’un article de droit.

Bressy-juge et Bressy-galériste ont, toute leur vie hors-les-murs, convoqué des artistes pour raconter au-delà du droit. Si cela se nomme ingérence, je confirmerais en ajoutant poétique en ce que ce terme actif (activiste même) vient des verbes faire et créer.

Problématique

Le scientifique écologiste Luc Abbadie lance publiquement en avril dernier « Artistes, nous avons besoin de vous ! » Il révélait son sentiment d’impuissance à convaincre de l’ampleur du changement nécessaire pour limiter la crise environnementale et affirmait que les formes d’expression portées par les artistes étaient plus que jamais nécessaires « pour faire passer le message ». (Abbadie) Les artistes ont une liberté exceptionnelle. Ils sont encore un peu hors la loi, juste assez pour pouvoir pratiquer un activisme intelligent. Avec une culture et une vision que n’ont plus les politiques. Ils ont un rôle à jouer dans un monde devenu étrange, sans morale ni repères. (Bellet). Les universitaires ont le choix de continuer à « disserter sur ce qui nous condamne à l’impasse », ou bien « apprendre à penser le ravage » – c’est à dire être engagé « par la même inconnue que les activistes qui tentent de réinventer les communs ». (Isabelle Stengers)

Témoigner est déjà une forme d’ingérence. Certaines créations reflètent les grands sujets du moment : crise écologique, conflits, répression, inégalités, précarité, identité… résonnent partout comme des leitmotivs. Les artistes, parce qu’ils sont des sismographes, sont des lanceurs d’alerte incontournables. Ils ont la responsabilité de ceux qui pensent la « réalité de l’art de créer », et celle de faire cohabiter toutes ces descriptions du monde, un monde qui aujourd’hui essaye de réinventer du sens, face à ˝ l’effondrement ˝.

L’ingérence créative est une médiation. Il y a un lien très étroit entre la vie quotidienne et l’innovation intellectuelle, entre l’expérience vécue, la vie réelle, et les idées qui en naissent. Tout en maintenant au maximum une pluralité de description, comme un miroir à 360°, ce changement de focus du représenté vers le réel, de l’image vers le concret, peut également être identifié dans l’ensemble des disciplines esthétiques. La place naissante de la culture dans la politique internationale en matière d’environnement témoigne de l’augmentation du nombre d’artistes impliqués dans la mise en oeuvre de solutions.

L’ingérence créative permet des rapprochements improbables pour créer des synergies, des compréhensions autres qui vont engendrer des ruptures de paradigmes et des modifications d’analyses. L’ingérence créative c’est finalement réintégrer la place de l’être humain dans le vivant et oser par sa pertinence et sa capacité, quelque soit les différentes disciplines, à secouer cette inertie sociétale.