Médiations - Informations - Communication - Arts

Date/heure
18/01/2011
14 h 00 - 16 h 45

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Le désir numérique : nouveaux fragments du discours amoureux

Dans le cadre des séminaires 2010-2011 du MICA

« Penser l’immatériel : interroger les concepts »

le 18 janvier 2011 – 14h-16h45 – MSHA, salle Jean Bordes, Pessac


Nous commençons par un clin d’œil à Roland Barthes, à ses  fragments d’un discours amoureux dont nous voulons démontrer qu’ils trouvent aujourd’hui, dans l’univers numérique, des formes nouvelles de style, de stratégies et de « figures » communicationnelles. Pour Barthes, le fragment, tel qu’il le pratique dans cette œuvre, est d’abord un procédé de l’écriture littéraire. Ses notices forment un lexique qui emprunte à d’autres œuvres, littéraires ou encore picturales, mais aussi à sa propre expérience amoureuse. Par extension, nous ferons du fragment le format en usage dans les pratiques numériques de la communication interpersonnelle, celle qui vise et qui veille à créer, puis à entretenir et parfois à rompre des affinités diverses. Le courriel, le SMS, les réseaux sociaux, les sites de rencontre mais aussi bien les sites de recherche de colocataires sont donc aujourd’hui les outils qui tout à la fois diffusent et produisent des fragments de parole dans le but très précis de nouer des liens de confidence et de confiance (le sens anglais de confidence nous aide d’ailleurs à faire ce rapprochement). Pour autant, le message court transmet peu d’indices sur l’engagement réel du locuteur ; le courriel en liste de diffusion dilue le devoir de répondre dans l’instant (les autres le feront peut-être) ; le chat permet, à tout moment, de reprendre le fil d’un babil dont le but, on le sait bien, est de simplement ajuster les émotions (la connivence des affects, comme dit Marcel Gauchet).

Dans ce séminaire, nous reviendrons sur les logiques singulières de cette communication communément appelée « virtuelle », voire « immatérielle », en raison sans doute de la fragilité des supports et de la fugacité des messages : que dure un SMS ? Ou assurément en raison du peu que révèlent d’eux-mêmes les interlocuteurs en quasi-présence, lesquels semblent hésiter entre quête narcissique et simulacre de reconnaissance. Faut-il voir dans ces nouveaux « fragments du discours amoureux » les signes de ce que Castel appelle la « nouvelle culture psychologique », marquée surtout par le repli de l’individu sur le territoire dépolitisé de l’intime ? De quoi, finalement, le SMS est-il le symptôme ? D’une perte de substance du social ? D’une nouvelle économie pragmatique du lien social ? A toutes ces questions et bien d’autres nos invités fourniront des réponses à la fois amples, précises et actuelles.

Conférencier invité

Christian Licoppe*
Directeur du Département de Sciences Economiques et Sociale à Télécom Paris Tech.

Christian Licoppe, X (76), ENST (81), PhD, professor of sociology. Trained in history and sociology of science and technology, he is currently the head of the Social Science department at Telecom Paristech, after a stretch in industrial research, where he managed social science research at Orange R&D. Among other things he has worked in the field of mobility and communication studies for several years. He has used mobile geolocation and communication data to analyze mobility and sociability patterns of mobile phone users. He has studied various phenomena related to the proliferation of mediated communication events and ‘connected presence’. He has also studied extensively one of the first location aware communities (the Mogi players in Japan 2003-2008) and the rich configurations of augmented encounters its evolving culture supports. He is also interested from a social and juridical perspective in the way systems based on Bluetooth recognition of proximate mobile terminals may provide serendipitous opportunities for spurious and enriched encounters. He has also developed ethnographic approaches of complex activity systems relying on innovative use of communication technologies, at the intersection of sociology of work, organization studies and anthropology of activity, such as call centers (in the telecommunications and banking sectors), or the introduction of videoconference in French courtrooms.

*Christian Licoppe – Selected relevant publications 2006-2010

Licoppe, C. (2010), “Les apparitions médiatisées et leurs effets performatifs: le cas des sonneries téléphoniques et la crise de la sommation, Réseaux 163, pp. 131-162.Morel, J., & Licoppe, C. (2009), La vidéocommunication sur téléphone mobile : quelle mobilité pour quels cadrages ? « , Réseaux 27 (156), pp. 165-201.Licoppe, C., (2009). « Pragmatique de la notification », Tracés, 2009, n°16(1), pp. 77-98.
Licoppe, C., (2008).  » Dans le carré de l’activité : perspectives internationales sur le travail et l’activité », Sociologie du Travail 50(3), pp. 287-302.Licoppe, C. (2008). « Logiques d’innovation, multiactivité et zapping au travail », Hermès 50, pp. 171-178.Licoppe, C., (2007). « De la communication interpersonnelle aux communautés épistémiques: le développement des TIC et l’enracinement du paradigme de la distribution », Hermès, 47, pp. 59-68.Datchary, C., & Licoppe, C., (2007). « La multi-activité et ses appuis. L’exemple de la « présence obstinée » des messages dans l’environnement de travail », Activité, 4(1), pp.4-29.Licoppe C., (2004) « ‘Connected Presence’: the emergence of a new repertoire for managing social relationships in a changing communication technoscape », in Environment and Planning D: Society and Space, Vol 22, pp.135-156.Beaudouin V., et Licoppe C. (2003). « Les pages personnelles sur internet et la construction électronique du social. L’exemple de la musique », in Réseaux, n° 116, pp.55-96.
Licoppe C. (2002). « Sociabilité et technologies de communication : deux modalités d’entretien des liens interpersonnels dans le contexte du déploiement des dispositifs de communications », in Réseaux n°112-113, 173-210.