Date/heure
29/06/2023
9 h 45 - 18 h 15
Catégories
Des écritures, des peintures, des murs
Le sens des lieux
dans le cadre du programme Graffcity
- Téléchargez le programme
- Pour obtenir le lien de connexion, merci de prendre contact avec Anne Beyaert-Geslin : anne.geslin-beyaert@u-bordeaux-montaigne.fr
La journée d’étude s’inscrit dans le cadre du programme Graffcity. Appropriations urbaines imagées (2020-2024) financé par la région Nouvelle Aquitaine. Elle fait suite aux colloques Sémiotique et écritures urbaines (30 juin-1er juillet 2020) qui a soumis les écritures à l’expertise sémiotique avec une approche générale et L’Urbanité de l’art. Questions sémiotiques (22, 23 & 24 juin 2022) qui a porté une attention plus spécifique aux inscriptions et objets au statut artistique pour en apprécier les fonctions de moralisation. Elle prolonge cette interrogation des valeurs pour demander comment une inscription, considérée comme une dégradation, peut renier un mur de la ville ou, au contraire, l’ennoblir lorsqu’elle revendique un statut quasi artistique. La dévalorisation ou valorisation d’un mur ou d’un autre, d’une rue ou d’une autre, est déterminée par le statut de l’inscription : le tag est considéré comme une salissure alors que la « fresque urbaine » est assimilée à une oeuvre d’art. Les inscriptions redessinent ainsi la ville. Tandis que certaines rues sont désavouées et comme mises au ban de la cité, certaines autres, par le pouvoir d’une image ou d’un mot, deviennent un foyer d’attention pour le piéton, un nouveau centre pour la ville. Comment ces appropriations par les habitants eux-mêmes, énonciateurs graffeurs, redessinent-elles la ville à partir de ces zones critiques ? Comment ces inscriptions urbaines redéfinissent-elles l’énonciation piétonnière (De Certeau 1990) ?
L’énonciation (Benveniste 1966 et 1974 ; Dondero, Beyaert-Geslin & Moutat 2017, dirs.) se conçoit ici de deux façons, en renvoyant dans les deux cas à une instance collective. Il importe de considérer la variété des inscriptions (tag ou fresques, écritures ou peintures) et d’en observer les formes qui sont les marques de la première (l’énonciation imagée), afin de saisir le « travail » des valeurs et les modifications des parcours de la ville qui concernent la seconde (l’énonciation piétonnière). Entre péjoration et mélioration, disqualification et requalification, les inscriptions mettent-elles en oeuvre des stratégies intermédiaires, alternatives, non-marquées qui, au-delà d’une simple inversion axiologique, déplacent plutôt le sens d’un mur par une connotation (poétique, religieuse, commerciale, mémorielle ou « modernisante », etc.) ?
Un second axe de recherche est proposé pour préciser ce jeu de valorisation. Il s’agit d’observer comment ces inscriptions modifient le statut d’un bâtiment ou d’un quartier pour, via une destitution qui est aussi une instauration, ouvrir la possibilité d’un nouveau lieu (De Certeau, ibid). Elles constituent alors une sorte de baptême qui fait perdre le sens du premier lieu, en efface les repères, pour l’ouvrir à une autre vie. Cette efficacité symbolique (Lévi-Strauss 1949) des inscriptions, qui fait être dans une autre identité et une nouvelle fonction, ou au moins en forme la promesse, la déstabilisation axiologique augurant alors une forme de stabilité, sera associée à des lieux de vie collective (la friche Darwin à Bordeaux, le musée de l’Autre et de l’ailleurs à Rome, mais aussi, et déjà, les grottes ornées) constitués à partir de cette appropriation ou réappropriation collective.
« Et par le pouvoir d’un mot… », dit le poème de Paul Eluard. Il s’agit ici de relier des mots et des images aux supports des murs en leur conférant un statut d’inscriptions pour comprendre comme ces langages, parce qu’ils manifestent une présence humaine et témoignent d’une main, donnent sens aux lieux.
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