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Date/heure
15/06/2024

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Couleurs d’artistes

Poïétique, expérimentations, contexte

LLTA-ADNT, Univ. Sfax - Ed. Arts Cultures Univ. Tunis
MICA-Université Bordeaux Montaigne
FrancophoNéA, Réseau de recherche néo-aquitain sur les francophonies
Union des Artistes Plasticiens Tunisiens


« La couleur est par excellence la partie de l’art qui détient le don magique. Alors que le sujet, la forme, la ligne s’adressent d’abord à la pensée, la couleur n’a aucun sens pour l’intelligence, mais elle a tous les pouvoirs sur la sensibilité ». De Eugène Delacroix/Journal

Fabriquée, travaillée, utilisée, interrogée, théorisée, la couleur est un composant des œuvres ou du processus de création pour les artistes. Indépendamment de sa définition, qui pourrait bien être de l’ordre de la perception, de la cognition ou bien de la chimie ou de la physique, la couleur est avant tout utilisée comme paramètre plastique de la création artistique. Avec quoi travaillent les artistes ? Quel est ce paramètre à la portée presque « magique », qui s’adresse à la sensibilité selon Delacroix et que Manlio Brusatin interroge entre sens et corps ? « Cette incertitude des sens a conditionné toutes les théories scientifiques sur l’essence des couleurs, étant donné l’inconstance de leur apparition et de leur perception, et leur inutilité si calculée » (Brusatin, 1986, p. 29).

La couleur est aussi bien lumière offerte au spectateur de l’œuvre. La matière picturale, pigmentaire, sculpturale, travaillée à partir d’une synthèse soustractive, par l’artiste, donne à l’œil de celui qui la regarde l’effet de lumière, selon une synthèse additive — effet poussé à son paroxysme par Pierre Soulages. Ailleurs, dans ces images-lumières au cinéma, la couleur prend corps virtuel pourvu qu’elle repose sur un support, un écran blanc. Ou encore, plus de support du tout, sinon la convergence des projections hologrammatiques ; sinon l’émergence de points de diffusion spécifiques (Dan Flanvin) ou diffus (James Turrell). Ainsi, Jean de Giacinto invente-t-il des vêtures de lumières pour ses architectures composites comme le Clos-de-Hilde (Bordeaux, 1994) (de Giacinto, 2023). Ainsi, mais d’une autre façon, Ettore Spalletti joue-t-il de l’effet de la couleur emportant avec elle le support ou l’espace qu’elle investit, en lui offrant une densité légère.

Lorsque la couleur fait partie intrinsèque du matériau architectural, sculptural ou vestimentaire, par exemple, comment préside-t-elle à son choix ? Est-elle au contraire la raison plastique d’un certain travail de ce matériau ? Hervé Fisher, dans ses ouvrages, montre combien la couleur dépend de langages sociaux symboliques et idéologiques (scientifiques, religieux, mythiques, artistiques), privilégiant un certain nombre de couleurs (Fischer, 2023). Ces couleurs, donc, sont à mettre en relation avec les systèmes de valeurs, la construction mentale de nos perceptions. Ainsi, par exemple, le New York des années 30 inspirera Fernand Léger, Le Corbusier ou Mondrian, qui inventeront de nouvelles polychromies (Fischer, 2019, p. 341-343).

Plusieurs axes de réflexions pourraient être déployés :

1) Les couleurs dépendent de leur repérage culturel ; à ce titre, elles peuvent renvoyer à une symbolique forte dans l’œuvre de l’artiste, entrant en résonance ou en dissonance avec la symbolique culturelle de la sphère dans laquelle elles s’inscrivent et selon le contexte. Ainsi, Camila Moreira décrit-elle sa pratique dans « La couleur rouge d’un corps-exilé » (Moreira, 2023).

Cet ancrage culturel, qu’Hervé Fischer décrit comme une ouverture sociologique et mythanalytique de l’art, peut également porter non plus sur une couleur précise, comme le rouge sang par exemple, mais sur toute une palette dont les composantes, choisies, font sens et œuvre. Il s’agira alors de repérer les palettes d’artistes afin d’identifier leur portée sociologique ou critique dans l’aire culturelle donnée.

Artistes, designers, architectes utilisent parfois des couleurs héritées de grands artistes (le Bleu Klein, le Brun Van Dyck, etc.) : que font-ils de cet héritage assumé ? L’explorent-ils, le dévient-ils, l’hybrident-ils ? Que devient-il dans le nouveau contexte de leur création ?

2) La fabrication des couleurs fait l’objet d’une étude importante tant du côté des artistes que des gestes techniques appliqués aux œuvres pour leur conservation ou leur restauration, comme le traitent Serena Benelli et Edi Guerzoni dans « Les bleus dans la restauration de la Cène de Léonard de Vinci : la collaboration artistique et scientifique de Pinin Brambilla Barcilon et Antonietta Gallone (Benelli et Guerzoni, 2024).

Les couleurs peuvent ainsi être examinées selon une approche poïétique technique, qu’il s’agisse de leur fabrication, de leurs composants et de leurs traitements, de leur travail en atelier, ou encore de leur « solidité », leur mutation, accidentelle ou programmée, pouvant entrer dans la perspective d’une démarche artistique. Comment, par exemple, Kapwani Kiwanga produit-elle la couleur indigo dans son installation monumentale au CAPC Musée d’art contemporain de Bordeaux, Retenue, du 30 juin 2023 au 7 janvier 2024 ? La fabrication des couleurs peut également dépendre des ressources disponibles dans l’environnement naturel où évolue l’artiste. Assumer cette contrainte revient à valoriser les éléments de contexte dans l’œuvre et, plus largement, à poser, même indirectement, la question du rapport entre nature et culture d’une part et pratique artistique d’autre part.

3) L’utilisation de la couleur dans les arts numériques soulève de nouveaux questionnements. L’un de ces questionnements est sa place au croisement des sciences et des arts, engageant la création de nouvelles couleurs et composantes, par exemple la protéine fluorescente verte, comme le montre Alexandra Boucherifi dans « Enhanced Green Fluorescent Protein, Quand la protéine fluorescente verte rencontre l’art » (Boucherifi, 2023).

Une approche technique engage les questions des traductions et des équivalences, par exemple du CMJN à l’RVB, du passage d’un support matériel à un support écranique, ou encore une réflexion sur la numérisation des œuvres.

Les œuvres numériques (qu’il faut distinguer des œuvres numérisées), questionnent de façon nouvelle ce paramètre devenu tout aussi mesurable que la forme, entrainant des corporéités à l’œuvre, travaillées par exemple par Eliane Chiron dont l’œuvre a été mise à l’honneur par le Colloque international Corpo Pintura Color Fronteira/Corps Peinture Couleur Frontière des 06, 07 et 8 décembre 2021, Université Fédérale d’Uberlândia.

4) La portée esthétique des couleurs d’artistes peut être interrogée de plusieurs manières : par le travail des imaginaires (opéré à partir des récits, scénographies, distorsions, à l’œuvre, ou le long du processus de création engageant le spectateur) ; par la mise en jeu de synesthésies autorisant des passages, voire des traductions entre les couleurs et d’autres données plastiques perçues, reçues ou senties ; par des mises en relation entre couleur et texte, conduisant à des associations cognitives ou bien développant de nouveaux procédés de créations, dans les œuvres virtuelles génératives par exemple. L’utilisation inédite d’une ou de plusieurs couleurs par un artiste, reprenant des codes culturels, en friction avec le contexte grâce à un traitement technique particulier de ces couleurs, peut aussi dessiner une esthétique, comme le montre Elissar Kanso à partir de l’analyse de son œuvre, dans « Le rose fluo : perturbateur d’une sensation lumineuse et révélateur d’une matière critique performante » (Kanso, 2024). L’approche poïétique peut faire état d’expérimentations concrètes, techniques, scientifiques ou esthétiques.

Cependant, interroger les créations contemporaines, ne va pas sans tenir compte de l’ancrage épistémologique de la couleur, comme le montre Aurélia Gaillard, à la convergence de la nomination, de la conception et de la perception de la couleur, lorsqu’elle repère le rose dans la nouvelle façon de penser en couleurs du siècle des Lumières (Gaillard, 2020). Sans doute, une recherche sur la couleur dans les créations contemporaines pourrait-elle favoriser le repérage du paradigme de la pensée en jeu dans nos sociétés actuelles.

L’Axe ADNT Laboratoire Langage et Traitement automatique (LLTA), FLSH de l’Université de Sfax, l’École doctorale Arts Cultures Université Tunis, l’Unité de recherche Médiations, Informations, Communication, Arts, (MICA) de l’Université Bordeaux Montaigne, FrancophoNéA (Réseau de recherche néo-aquitain sur les francophonies) et l’Union des Artistes Plasticiens Tunisiens, lancent un appel à communication qui s’adresse à des chercheurs de différentes spécialités en Arts, Design et Sciences humaines et sociales. Ce colloque entend s’appuyer sur la notion de couleur afin de rassembler des réflexions thématiques autour des œuvres, classiques ou actuelles, numériques ou pigmentaires, suscitant des interrogations et des interprétations sur l’utilisation, l’exploitation, l’expérimentation des couleurs et des nuances (Pastoureau, 2017). En plus d’une version longue pour la publication des actes du colloque, les communications pourront faire l’objet d’articles courts pour l’ENC https://encyclopedienumeriquedescouleurs.com/, relevant principalement de l’axe de recherche Arts et Création, mais pouvant aussi se rattacher à l’axe Technique et Science pourvu qu’elles concernent des créations artistiques, ou encore à l’axe Anthropologie, Histoire, Culture, l’axe Linguistique, Littérature, Communication, l’axe Esthétique, Psychologie, Philosophie. Toutes les approches disciplinaires sont les bienvenues, dans le respect de la rigueur scientifique, de l’étayage sur des exemples et des couleurs précises.

Consignes de présentation :

La présentation pourra être celle d’un artiste chercheur sur sa propre pratique, ou d’un théoricien et d’un artiste associés dans la recherche portant sur la création du second, ou encore d’un chercheur travaillant sur une technique précise ou sur une aire culturelle particulière. Il est fortement recommandé de faire porter l’étude sur une (ou plusieurs s’il s’agit d’une palette) couleurs précises, identifiées et mesurées, repérées selon leur code hexadécimal : https://encycolorpedia.fr/

Toute utilisation d’appareillage de mesure de couleur (par exemple colorimètre ou spectrocolorimètre) doit être identifiée dans le texte.

Calendrier :

Le colloque aura lieu à Hammamet (Tunisie), le 30, 31 octobre et le 1er novembre 2024

  • 15/06/2024 : soumission des résumés (environ 800 mots, accompagnés d’une bibliographie et d’une brève biographie).
  • 30/06/2024 : Notification aux auteurs des résultats de l’évaluation.
  • 25/08/2024 : Date limite d’envoi de l’article court (7500 signes, espaces compris).
  • Publication (version papier et version électronique).

Modalités de soumission :

Le résumé d’une communication ne doit pas dépasser les 4000 caractères (espaces compris). Chaque résumé comporte : l’axe d’intervention, le titre, le nom et le prénom, l’affiliation, 5 mots-clés, une bibliographie et une brève biographie (500 caractères).

  • Langues de soumission : Arabe, Français, Anglais.
  • Deadline d’envoi : 15 juin 2024
  • Les résumés doivent être envoyés au format .docx (word)
  • Adresse électronique d’envoi : colloque.couleurs.artistes@gmail.com

Modalité d’évaluation et de publication :

Les résumés seront soumis à un comité scientifique pour une expertise en visibilité des identités (all visible, pas d’anonymat). L’acceptation des propositions n’engage pas le principe de sa publication sur l’ENC ou dans les actes du colloque. Chaque article parvenu sera évalué suivant le même principe de visibilité des identités.

Les publications seront sous la forme d’un :

Frais de participation :

  • Pour les intervenants résidant en Tunisie, 550 DTN.
  • Pour les intervenants étrangers, 220 €.

Les sommes indiquées couvrent un séjour de deux nuitées dans un hôtel 4 étoiles en all inclusif soft et en chambre double, les pauses café et les frais de publication des actes du colloque.

  • Participation sans logement (les pauses café, le pack du colloque et la publication) : 180D

NB : Supplément single et les taxes de séjour à régler en extra selon le tarif de l’hôtel.