Date/heure
02/05/2024 - 03/05/2024
9 h 00 - 18 h 00
Emplacement
Maisons des chercheurs - Lille
Catégories
Cerveau-machine : modèles et fictions
Neuroscience et Intelligence Artificielle en miroir
dans le cadre du programme Hyperhumain
Au gré de leur invention, les machines, envisagées comme de véritables organismes artificiels, ont fourni aux êtres humains des modèles heuristiques et souvent inédits d’intelligibilité du vivant (Kapp, 2007, Canguilhem, 1952). Dès leur apparition dans le paysage sociotechnique du XXe siècle, les ordinateurs furent ainsi pensés comme des “cerveaux artificiels” dont le perfectionnement permettrait, à terme, de dévoiler les mystères du cerveau humain (Ashby, 1952). A la manière dont les automates et les machines hydrauliques ont pu nourrir la physiologie mécaniste cartésienne, les ordinateurs ont offert des modèles éclairants pour saisir le fonctionnement opératoire du cerveau. Ainsi s’est progressivement imposé, tant dans l’imaginaire scientifique que collectif, une vision computationnaliste du cerveau désormais fondamentalement envisagé sous l’angle d’une machine à traiter l’information. Ces modèles hétérogènes et bien souvent concurrents du “cerveau-machine”, basés sur des approches purement fonctionnelles (cognitivisme et symbolisme) ou biomimétiques (connexionnisme), constituent l’un des socles fondamental à partir duquel se sont élaborés les savoirs positifs des sciences cognitives et des neurosciences computationnelles au cours de la deuxième moitié du XXe siècle.
Mais à bien des égards, ces modèles scientifiques fonctionnent eux-mêmes comme des fictions : des représentations nécessairement partielles et partiales du réel qui s’appuient sur des opérations de réduction, d’exclusion et de sélection irréductibles à leur opérativité. Des fictions opérantes en somme tout aussi nécessaires à l’éclosion de nouveaux savoirs qu’à la production de nouveaux dispositifs techniques. De là à confondre la fiction et la réalité, il n’ y a qu’un pas. Comme le soulignait Jean-Pierre Dupuy “le modèle extrait de la réalité phénoménale des relations fonctionnelles qu’il juge pertinentes, mettant pour ainsi dire entre parenthèses tout ce qui ne relève pas de ce système […] Cela ne va pas sans danger. Le modèle est tellement plus pur, tellement mieux maîtrisable que le monde des phénomènes : le risque existe qu’il devienne l’objet exclusif de l’attention du savant” (1999). Les récents accomplissements de l’Intelligence Artificielle autorisés par la puissance de la modélisation computationnelle inhérente aux capacités de captation, de stockage et de traitement de l’information dont disposent aujourd’hui les industriels de la donnée, semblent, plus que jamais, rendre ces fictions vraisemblables et nous incitent à les questionner sous un nouveau jour.
Programme
A partir d’une approche délibérément pluridisciplinaire, cette conférence propose de questionner le rôle et les fonctions de la fiction du cerveau-machine tant dans l’élaboration des modèles scientifiques que dans l’imaginaire collectif à partir de trois axes :
- les présupposés ontologiques voire métaphysiques des modèles scientifiques concurrents basés sur la fiction d’un cerveau-machine ;
- la performativité technologique de ces modèles qui fait basculer la fiction du cerveau-machine dans notre réalité sociotechnique ;
- les fonctions symboliques et idéologiques que remplissent ces fictions nécessaires à l’efficacité des dispositifs d’Intelligence Artificielle (design de l’interaction) et plus pragmatiquement pour en garantir le financement (techno-philanthropisme, économie politique de l’innovation)
Informations pratiques
La conférence se déroulera les jeudi 2 mai de 14h à 17h et vendredi 3 mai de 9h à 18h. Les inscriptions sont gratuites et il est possible de suivre les échanges en live sur Zoom.
Inscrivez-vous et retrouvez l'ensemble du programme sur le site Hyperhumain, ainsi que le lien pour suivre cette conférence en direct.