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Date/heure
14/04/2019

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Communication & Organisation

Appel à article pour le numéro 56 – décembre 2019

LES ORGANISATIONS MALADES DU NUMÉRIQUE

Coordination : Luc Bonneville (GRICO, Université d’Ottawa) ; Valérie Carayol (MICA, Bordeaux Montaigne) ; Aurélie Laborde (MICA, Bordeaux Montaigne)

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L’évolution des pratiques de communication suscitées par l’extension des réseaux numériques a fait émerger plusieurs phénomènes dans les organisations : des transformations de l’organisation du travail (surtout étudiées dans la période 1985-2000 : Eyraud et alii 1988 ; Alsène 1990 ; Benghozi et alii 1999), des transformations du management et des modes de coordination de l’action collective (étudiées surtout dans la décennie 2000-2010 : Bobillier-Chaumon 2003 ; Bonneville 2005 ; Gramaccia et alii 2004 ; Metzger 2010 ; Proulx 2005) et enfin des transformations des pratiques professionnelles, des métiers et des professions qui retiennent toute l’attention des chercheurs depuis presque une dizaine d’années (Bourret 2010 ; Comtet 2011 ; Laborde 2012 ; Venin 2013 ; Lepine et alii 2014 ; Carayol et alii 2016).

Sur tous ces points, les recherches sont restées souvent ambivalentes et nuancées dans leurs résultats. Qu’il s’agisse d’objets techniques, d’interfaces, d’applications numériques, ou de dispositifs techniques, les effets de leur usage semblent presque toujours dépendre des conditions de leur intégration dans les espaces organisationnels. Les objectifs visés, les modes de management et politiques d’accompagnement, les structures et cadres d’usage, tout comme les caractéristiques des utilisateurs ou usagers, semblent influencer dans une large mesure les effets de leur introduction dans les espaces de travail.

Les résultats des recherches, même s’ils ont été nuancés, ont mis régulièrement en avant, depuis une vingtaine d’années, le profit tiré, à la fois par les organisations et par leurs salariés, de l’usage des technologies de communication numérique.

Il existe néanmoins un ensemble de travaux, plus critiques, sur les effets délétères, problématiques, les comportements indésirables ou déviants liés à l’introduction des technologies de communication numériques, observés dans les milieux de travail, qui peuvent soulever des problèmes politiques, éthiques ou même idéologiques. Si un certain nombre de travaux en sociologie clinique (De Gaulejac 2006), en psychologie du travail (Dejours 2000) ou en sociologie (Aubert 2010 ; Jaureguiberry 2006) ont déjà pointé certains de ces problèmes, le champ des travaux relevant de ce qui est parfois conceptualisé comme le « côté obscur » des pratiques organisationnelles (et communicationnelles) reste encore peu visible dans le domaine des sciences de l’information et de la communication. Des chercheurs interrogent toutefois depuis plusieurs années, d’un point de vue critique, les risques potentiels liés aux pratiques de communication numériques dans un contexte de travail. En témoignent notamment les travaux du MICA et le futur colloque sur le « Côté Obscur de la communication organisationnelle » de mars 2019, organisé à Bordeaux.

Si toutes les organisations sont par nature soumises au changement (Carayol 2004) et si tout dispositif technologique est « pharmacologique » et contient en germe le meilleur comme le pire (Stiegler 1994), il n’en reste pas moins qu’une observation fine des organisations contemporaines montre les nombreuses dérives et pathologies liées à l’usage des outils numériques au travail : l’intensification et la densification du travail (Askenazy, 2006 ), la surcharge cognitive (Eppler 2004 ; Bonneville et Grosjean 2016), le renforcement du contrôle de l’activité, la fragmentation du travail (Datchary 2017 ; Licoppe 2012). Plusieurs recherches montrent ainsi les liens existants entre usages des dispositifs numériques au travail et risques psychosociaux, notamment pour la population des cadres (Carayol et al 2016 ; Venin 2015 ; Felio et Lerouge 2015).

C’est à l’exposé de travaux relevant de cette perspective que cette livraison de la revue Communication & Organisation voudrait participer. Sont invités à contribuer à ce numéro les chercheurs dont les travaux étudient les effets indésirables ou problématiques, et encore souvent tus, liés au développement des technologies numériques de communication dans les environnements de travail, de quelque nature qu’ils soient. On pourra notamment s’intéresser, sans que cette liste soit limitative :

  • aux pratiques ayant une incidence sur les droits ou libertés des individus au travail, à l’usage des technologies de vidéo surveillance, des puces RFID, aux technologies de communication développant le contrôle des activités et limitant les possibilités d’épanouissement dans le travail ;
  • aux effets de la retaylorisation des activités par le numérique, sur les pratiques et le sens que les individus donnent à leur travail ;
  • aux effets potentiellement nocifs de l’abondance d’information (information overload), aux études sur les usages intensifs des technologies de communication, susceptibles d’engendrer des abus, des addictions, des phénomène d’hyperconnexion ;
  • aux difficultés relationnelles liées à la part croissante des échanges numérisés au travail que ce soit entre collaborateurs ou avec les publics externes (incivilités, violence, harcèlement, incompréhension, déshumanisation des relations..)
  • aux phénomènes de dérives dans les usages et à l’utilisation à mauvais escient des technologies, favorisant les risques ou l’insécurité : vol de donnés, sabotage, etc. ;
  • au technostress et à l’anxiété d’être dépassé par le changement permanent, ressentie notamment par les populations les plus agées, face aux innovations incessantes ;
  • aux effets délétères de l’automatisation et du numérique, perte d’autonomie et des savoir-faire, ce que N. Carr nomme « la grande déqualification » (Carr 2017)
  • à toutes les pratiques, y compris celles mobilisant l’intelligence artificielle ou le machine learning, ayant des conséquences sur l’éthique des pratiques de travail et le respect dû aux personnes et parties prenantes des pratiques organisationnelles.

Bibliographie indicative

Alsène, Eric. « Les impacts de la technologie sur l’organisation ». Sociologie du travail, 1990, 321–337.

Askenazy, Philippe, Cartron, Damien, de Coninck, Frédéric et Gollac, Michel. Organisation et intensité du travail. Octarès Toulouse, 2006.

Aubert, Nicole, La Société hypermoderne : ruptures et contradictions, Paris, l’Harmattan, coll. « Changement social », 2010.

Benghozi, Pierre-Jean, et Patrick Cohendet. « L’organisation de la production et de la décision face aux TIC ». Technologies de l’information, organisation et performances économiques, 1999, 161–230.

Bernard, Françoise. « Trente ans de recherches en communication des organisations : voies, paradoxes, imaginaires et questions vives ». Revue française des sciences de l’information et de la communication, no 9, 2016.

Bobillier-Chaumon, Marc-Éric. « Évolutions techniques et mutations du travail: émergence de nouveaux modèles d’activité ». Le travail humain 66, no 2, 2003, 161–192.

Bonneville, Luc, Sylvie Grosjean. « Information-Communication Technologies (ICTs) and Time Pressures: a Case Study of Nurse-managers strategies to “let go” », Canadian Journal of Nursing Informatics, Vol. 11, No. 2, 2016.

Bonneville, Luc. « L’informatisation comme outil de contrôle et de surveillance de la productivité des organisations de soins et du travail médical au Québec ». Revue Terminal–Technologies de l’information, culture et société 92, 2005, 173–185.

Bonneville, Luc. « La transformation des organisations de soins et du travail médical par le recours à l’information au Québec: une analyse critique ». Communication et organisation, no 26, 2005, 201–222.

Bourret C., Dynamiques organisationnelles autour de la production collective d’information et de processus communicationnels. Le cas des organisations d’interface du secteur santé, mémoire d’HDR, Université Paris Est, 2010.

Carayol, Valérie et alii, La laisse électronique, Les cadres débordés par les TIC, Pessac, Presses de la MSHA, 2017.

Carayol, Valerie, (dir.). Vivre l’urgence dans les organisations, Paris, l’Harmattan, coll. « Communication des organisations », 2005, p. 65-81.

Carayol, Valérie, Communication organisationnelle, une approche allagmatique, Paris L’harmattan 2004.

Carr, Nicholas, Remplacer l’humain : Critique de l’automatisation de la société, Editions l’Echappée, 2017.

Comtet I., L’évolution des pratiques de travail : les apports de la pluridisciplinarité à l’appropriation des TIC dans l’organisation, mémoire d’HDR, Lyon 3, 2011.

Datchary, Gaglio, Gérald, et Bidet. Quand travailler, c’est s’organiser: La multi-activité à l’ère numérique. Presses des Mines, Open Edition book, 2017.

De Gaulejac, Vincent, « La part maudite du management », Empan, 2006, vol. 1, n° 61, p. 30-35.

Dejours, Christophe, Travail : usure mentale. Essai de psychopathologie du travail, Paris, Bayard, 2000, 280 p.

Eppler, Martin J., et Mengis Jeanne. « The concept of information overload: A review of literature from organization science, accounting, marketing, MIS, and related disciplines ». The information society 20, no 5, 2004, 325–344.

Eyraud, François, d’Iribarne, Alain, Marc Maurice. « Des entreprises face aux technologies flexibles: une analyse de la dynamique du changement ». Sociologie du travail, 1988, 55–77.

Felio, Cindy, Loïc Lerouge, Les cadres face aux TIC. Enjeux et risques psychosociaux au travail, L’Harmattan, 2015, p. 265-283, 2015

Felio, Cindy. « Pratiques communicationnelles des cadres: usage intensif des TIC et enjeux psychosociaux ». Thèse de doctorat en Sciences de l’Information et la Communication, sous la direction de Valérie Carayol, Université Michel de Montaigne-Bordeaux 3, 2013.

Gramaccia, Gino, Martine Miny, et Gérard Vezie. La communication dans les projets. Paris, Ed. A savoir, 2004.

Jaureguiberry, Francis, « De la déconnexion aux TIC comme forme de résistance à l’urgence », Communication & Organisation, n° 29, 2006, p. 186-195.

Laborde, Aurélie. TIC et agriculture: appropriation des dispositifs numériques et mutations des organisations agricoles. Paris, Editions L’Harmattan, 2012.

Laborde A. « Les incivilités numériques au travail. Problématiques émergentes dans le contexte de la transformation numérique des organisations » in Revue Française des Sciences de l’information et de la communication, n°9, septembre 2016.

Laborde A. « Les risques liés aux usages internes du courrier électronique : quels enjeux pour la qualité de vie au travail » in Revue des conditions de travail, ANACT, septembre 2017.

Lépine, Valérie, Christelle Millet-Fourrier, et Fabienne Martin-Juchat. Acteurs de la communication des entreprises et des organisations: Pratiques et perspectives. Grenoble, PUG, 2014.

Licoppe, Christian. « Les formes de la présence ». Revue française des sciences de l’information et de la communication, no 1, 2012.

Metzger, Jean-Luc. « Collectif, « Informatisation et changements organisationnels dans les entreprises », Réseaux 28| 162, juin-juillet 2010 ». La nouvelle revue du travail, no 1, 2012.

Olivesi, Stéphane. « La communication au travail. Une critique des nouvelles formes de pouvoir dans les entreprises ». Lectures, Les rééditions, 2006.

Proulx, Serge. « Penser les usages des TIC aujourd’hui: enjeux, modèles, tendances ». Enjeux et usages des TIC: aspects sociaux et culturels 1, 2005, 7–20.

Stiegler Bernard, L’Empire des techniques, Seuil, Paris, 1994.

Venin, Thierry. « Techniques de l’information et de la communication et risques psychosociaux sur le poste de travail tertiaire. » Thèse de doctorat en sociologie sous la direction de Francis Jaureguiberry, Pau, 2013.

Calendrier

  • Envoi des propositions de 6000 caractères espace compris, selon les consignes de rédaction, bibliographie non comprise: 29 mars 2019
  • Retour aux auteurs de la sélection des propositions : 15 avril 2019
  • Remise de l’article intégral pour relecture en double aveugle par le comité de lecture: 30 juin 2019
  • Retour aux auteurs de l’évaluation par le comité de lecture : 20 septembre 2019
  • Retour des articles définitifs : 15 octobre 2019
  • Publication du numéro : décembre / janvier 2019

Consignes de rédaction des propositions

  • 6 000 caractères, espaces compris.
  • Bibliographie non comptabilisée dans le nombre de caractères.
  • Sur une page de garde : titre de la proposition, prénom et nom de l’auteur, université, laboratoire, adresse électronique, cinq mots clés.

Les propositions seront envoyées conjointement aux trois coordinateurs du numéro

Consignes de rédaction des articles définitifs

35 000 caractères maximum, espaces compris, pour les articles définitifs.

Les normes de mise en page des articles définitifs sont accessibles en ligne sur le site de la Revue : https://journals.openedition.org/communicationorganisation/5909

La mise en forme finale selon les normes fournies conditionnera l’acceptation définitive de l’article.

La revue Communication & Organisation est publiée par le Groupe de recherche Communication, organisations et société (COS) du laboratoire Médiation, Information, Communication, Art (MICA), Université Bordeaux Montaigne : http://www.mica.u-bordeaux-montaigne.fr